2. L'époque antique et Médiévale
 

 

Les Grecs amorcent le début d'une réflexion sur le monde et sa physique en créant l'idée que les règles régissant sa forme sont impersonnelles, i.e. elles ne sont pas tournées vers les hommes en particulier, bien que celui-ci puisse y avoir une place privilégiée : l'homme fait partie de l'univers, y tient une position particulière, mais il n'est en rien à l'origine des formes de ce monde. C'est donc l'observation directe du monde, et non une réflexion personnelle sur l'homme et ses actes, qui permet de mieux connaître l'univers.

 

2.1 La représentation du monde d'Aristote

 

La physique d'Aristote est avant tout très intuitive. En effet, qu'observe-t-on, de la manière la plus simple, en ce qui concerne le mouvement des corps. Les corps "lourds " (une pierre) tombent, les corps "légers" montent (la fumée, la vapeur). Il existe aussi un autre type de corps qui semble être soumis à des lois totalement différentes : les corps célestes. Ceux-ci sont observés depuis les âges les plus reculés ; les plus vieilles tables astronomiques connues viennent de Babylone et datent d'environ -2000 ans. Les mouvements de ces corps dans le ciel paraissent approximativement circulaires, avec les moyens de mesure disponibles à l'époque de l'essor de la science grecque. Ceux-ci se divisent en trois grandes catégories. Les deux grands luminaires : La Lune et le Soleil, qui, vu leur diamètre apparent semblent assez proches, les planètes, qui se déplacent dans le ciel (planètos en grec signifie : astre errant) en décrivant approximativement des cercles, et enfin les étoiles, qui semblent fixes sur la sphère céleste (i.e. elles ne se déplacent pas les une par rapport aux autres).

 

Les Grecs séparaient donc l'univers en deux mondes différents: Le monde sublunaire, c'est à dire le monde terrestre, changeant et constamment, soumis à la corruption, à l'évolution et à l'altération, et le Cosmos, monde parfait des astres, immuable et soumis à des lois totalement différentes des lois terrestres.

 

Aristote, (en -350) dans son ouvrage "De la Physique " a fixé cette description du monde, qui avait déjà été suggérée par les écoles les plus anciennes (Les pythagoriciens). Schématiquement, ces deux mondes, (Sublunaire et le Cosmos) se distinguent par leur degré de perfection. Ce sont des modèles purement descriptifs, mais dont l'intérêt est de donner une certaine forme de cohérence , presque rationnelle, aux faits observés. En cela, ce modèle est en soi, un grand pas vers la compréhension du monde.

 

2.1.1 Le monde sublunaire (ou terrestre)

  Il est composé de quatre éléments originaux dont tous les corps sont une combinaison des quatre : la Terre, l'Eau, l'Air, le Feu, qui, à l'origine, existaient sur des sphères séparées : La Terre au centre, puis l'Eau, l'Air , et enfin le Feu le plus à l'extérieur. Dans notre monde terrestre et corrompu, ces quatre sphères se sont mélangées. On trouve de l'eau dans la terre, de l'air dans l'eau, du feu sur la terre etc.

Quelle est alors, dans ce monde, l'origine du mouvement des corps? Chaque corps essaie de retrouver sa sphère d'origine : par exemple, une pierre, qui est d'essence terrestre tombe, car elle retourne à sa sphère d'origine qui est la Terre. De même pour la fumée, la vapeur, le feu. Comment expliquer le sens d'écoulement des fleuves (de la montagne à la mer) ? L'eau retourne à sa sphère d'origine, qui est juste au-dessus de la Terre : la mer et les océan. Quelle est l'origine des météorites, ces flammèches dans le ciel ? On peut l'expliquer par une manifestation du Feu dans l'Air : du feu , piégé sur terre, retourne vers sa sphère qui est dessus de celle de l'air, le feu est ainsi obligé de la traverser et crée alors ces flammes dans le ciel que nous identifions aujourd'hui à des météorites qui brûlent pendant leur traversée dans l'atmosphère. La terre se retrouve alors naturellement au centre de l'univers : c'est la première des sphères, la plus lourde, donc celle qui est à l'origine géométrique du monde.

Aristote tente d'expliquer également l'effet d'accélération des corps, par un principe de retour à l'écurie: de même qu'un cheval qui s'approche de son écurie a tendance à accélérer le pas parce qu'il revient chez lui, de même les corps, (les pierres en chute libre, la fumée qui monte etc.), accélèrent leur mouvement quand ils s'approchent de leur sphère d'origine. C'est là pour Aristote la raison de l'accélération des corps en chute, ou en ascension libre.   Enfin, Aristote, énonce un premier principe de dynamique, fondé sur l'observation, mais qui est faux, et que Galilée reformulera correctement : Pour expliquer la vitesse acquise par un corps que l'on tire ou que l'on pousse, on dira que cette vitesse est proportionnelle à la force qu'on lui applique (V = k F) : une charrue va deux fois plus vite si on la tire deux fois plus fort, de plus, la charrue ou la pierre, s'arrête si on ne la pousse plus. On sait, depuis Galilée, qu'Aristote n'avait pas considéré les forces de frottements, ce qui explique cette loi erronée qui intuitivement semble cependant correcte.  

 

2.1.2 Le monde Céleste

 

S'opposant à ce monde complexe et perturbé, mais totalement déconnecté de notre expèrience , existe le monde Céleste. C'est un monde parfait et immuable, dont les constituants (Lune, Soleil, planètes, Etoiles) sont chacun sur des sphères concentriques, centrées sur la Terre, et qui tournent autour de celle-ci. Le cercle représente un mouvement fondamental et parfait. Les objets les plus proches de la Terre (la Lune et le Soleil) tournent le plus rapidement. Les plus éloignés (les étoiles fixes), sont les plus idéaux, les plus parfaits, ils sont à l'origine de tous mouvements,et ne se déplacent pas. La Terre est au centre, puis viennent la Lune, Mercure, Venus, le Soleil, Mars, Jupiter et Saturne.

 
Extrait de 'Chronique de Nuremberg', histoire du monde paru en 1493. Au centre est la Terre entourée des 4 éléments puis viennent les objets célestes sur leur sphère respective.  

(cliquez sur l'image pour la voir en grand)

 

 

 

La description du monde d'Aristote est fondamentalement "intuitive " à l'inverse de la science moderne. C'est ce qui fera en partie sa force, et sa pérennité : Il a fallu attendre Galilée (XVIIème siècle), soit près de 2000 ans, pour remettre en cause ,de manière sérieuse, ce système.

 

Si cette description du monde a pu s'imposer pendant une si longue période, c'est qu'elle a également bénéficié de la description précise et quantifiée du mouvement des astres, faite par Ptolémée, dans son "almageste ". Se basant sur la description d'Aristote, cette dernière propose un système cohérent et mathématique du mouvement des Astres.

L'ensemble de ces deux théories forme un tout cohérent, qui pendant près de 1700 ans a décrit de manière satisfaisante le monde.

 

2.2 Le modèle de Ptolémée

On ne connaît que peu de choses sur Ptolémée lui-même, si ce n'est qu'il vécut à Alexandrie aux alentours de 140 après Jésus Christ. Le titre original de sa grande oeuvre d'Astronomie dans laquelle il crée et développe son système est "Synthèse Astronomique ", puis après connue sous le nom de "La grande synthèse ", que les Arabes ont traduit par "La plus grande " ou "Almajisti", qui devint "Almajestum " en latin médiéval, et enfin " Almageste " en Français.

 

C'est une théorie du mouvement des corps célestes. Elle propose un système pour calculer le mouvement des planètes, de la Lune et du Soleil, basé sur une combinaison de mouvements circulaires. Le système s'appuie sur les grands principes de la vision aristotélicienne : la Terre est au centre de l'univers, et les différents astres (Lune, Soleil, Planètes, Etoiles), sont sur des sphères concentriques tournantes, centrées sur la Terre.

 

Le système de Ptolémée est bien plus qu'un système empirique et astucieux pour calculer les positions des objets dans le ciel, il impose, par la bonne qualité de ses prévisions, le système d'Aristote à tout l'occident (et également, à l'empire Arabe).

 

En quoi consiste-t-il ?

On peut décomposer sa construction en plusieurs étapes :
En première approximation, comme nous l'avons dit, les trajectoires des astres dans le ciel apparaissent comme des cercles. D'où les sphères d'Aristote.
Cependant, comme on le savait déjà à l'époque de Ptolémée, les planètes dans le ciel, rebroussent parfois chemin : elles semblent revenir en arrière pendant quelques jours, puis ensuite reprendre leur course en suivant leur trajectoire en cercle. On le comprend facilement aujourd'hui: c'est un effet du au mouvement relatif de la planète par rapport a la Terre, en fait, un simple effet géométrique.

 
Mouvement apparent de Mars dans le ciel en 1984
 

Ce phénomène a beaucoup intrigué : Comment le réconcilier avec la vision d'Aristote qui prône le cercle, comme objet parfait, et donc comme seule trajectoire possible des astres. Ptolémée répond à cette question de la manière suivante :

Un astre, au lieu d'être fixé à un grand cercle tournant centré sur la Terre, est en fait fixé sur un petit cercle qui tourne sur lui-même, le centre de ce petit cercle se déplaçant sur le grand cercle centré sur la Terre . On appelle ce petit cercle, un épicycle. Ainsi, le mouvement d'un astre dans le ciel est la combinaison de deux effets qui s'ajoutent : une longue révolution le long du grand cercle et une petite révolution plus rapide le long du petit cercle.

Donc, globalement l'astre décrit un grand cercle, auquel s'ajoutent des petites modulations, qui sont les mouvement rapides le long du petit cercle. Ces modulations se manifestent dans le ciel par une accélération dans le sens du mouvement, suivi d'un ralentissement et d'un retour en arrière, chaque fois que le petit cercle fait un tour sur lui-même.

 

Ainsi, Ptolémée, en utilisant des combinaisons de cercles arrive à reproduire avec une assez bonne précision pour l'époque, les mouvements des planètes dans le ciel. Ce système permettait même de prévoir les éclipses de lune et de soleil, les conjonctions etc. Il était donc globalement satisfaisant, et très utile pour les astrologues.

Jusqu'à Copernic, le système de Ptolémée a été intensément utilisé et étudié. Pour améliorer sa précision, les astrologues (ancêtres des astronomes) ont affiné le modèle en lui ajoutant sans cesse des épicycles, jusqu'à parfois en enchaîner une vingtaine pour expliquer le mouvement d'une seule planète. Une modification de taille a dû également être introduite. Ce fut une première entorse au principe géocentrique d'Aristote : le point "équant ". Ptolémée, observant que la vitesse d'une planète n'est pas uniforme sur son orbite a introduit un nouveau point géométrique appelé, "point équant ". Vu de ce point, le mouvement de la planète est uniforme. La terre n'est plus au centre de l'orbite, c'est le point à mi-chemin de la Terre et du point Equant.

 

L'introduction de ce point constitue une entorse à la vision d'Aristote que beaucoup essaieront d'éliminer.

 

Le succès prédictif de l'Almageste a contribué fortement à imposer le système Aristotélicien à l'occident médiéval, ce système s'accordant de plus assez bien avec une vision Chrétienne du monde, qui place la Terre et l'homme au centre de l'univers. Pendant tout le Moyen-Age, l'étude de la gravitation et de la dynamique avancera peu, Le seul domaine scientifique qui semble un peu évoluer est celui de l'optique géométrique. Ainsi, pendant 13 siècles, le système de Ptolémée ne cessera d'être affiné, augmenté, compliqué, afin d'obtenir des tables astronomiques de plus en plus précises pour répondre aux besoins de la navigation et du calendrier.

 

Il faudra attendre Galilée pour changer tout cela, en s'exposant comme on le sait aux instances de l'église. Cependant, peu avant Galilée, deux hommes ont amorcé un changement profond : Copernic et Kepler